[NOVEL] NO.6 BEYOND – Prologue + Ch 1 (a)
Je ne les ai pas oublié.
La chronique de leur vie est probablement
la seule histoire qui vaille la peine d’être racontée.
***
Peut-on encore croire pleinement en autrui ?
***
Laisser moi vous raconter une histoire. Une que je connais bien. Une histoire ? Non- c’est une réalité, devrai-je dire. Les humains diront même que c’est une réalité gravée dans l’histoire de l’humanité.
Même si pour moi, les actes des humains sont tous des histoires. Certaines fois ce sont des comédies, d’autres encore sont des tragédies ; parfois prévisibles, parfois inquiétantes - rien que des histoires toutes faites.
Oui, les humains ne sont rien que d’imbéciles acteurs.
Ils agissent tels dans une farce, dansants à la merci de leurs actes, amours, et émotions. Ils sont idiots, ignorants, et avares… Ils détruisent de leurs propres mains ce qu’ils ont eux-mêmes crée. Ils aspirent à contrôler les autres, et à devenir le seul et l’unique roi du monde.
Je ne peux m’empêcher de me demander… Pourquoi ?
Pourquoi les Hommes sont-ils les seuls incapables de vivre avec les lois de la nature, laissant chaque chose telle qu’elles sont ? Ils sont de bien étranges créatures.
Dans l’histoire que je m’apprête à vous raconter maintenant, le personnage principal est aussi un humain- ..non. Le personnage principal est en fait un ville. Une cité État. Les gens l’ont nommé No. 6. Avez-vous déjà entendu ce nom auparavant ? C’est la plus jolie, autant que la plus inquiétante, existence née de mains humaines. Contradiction valable pour la star d’une farce, n’est-ce-pas ?
Mais… Aussi étrange que ce soit, pour une raison quelconque, je ressens une sorte d’attachement envers cette ville, No. 6. L’histoire entourant No.6, comme ceux qui en sont les protagonistes, sont chers à mes yeux. Est-ce-que cela fait de moi quelqu’un possédant une « âme » ?
Je connais deux jeunes garçons.
Nuit et Jour ; Lumière et Obscurité ; Terre et Air ; l’un qui accepte tout, et l’autre qui tente de tout jeter au loin. Ils sont si différents, et pourtant malgré tout si semblable. Tous deux furent étroitement impliqué avec No. 6. Ils ont vécus avec No. 6.
Qu’il y a t’il ? Quand était-ce, dis-tu ?
Je me demande… J’ai l’impression que c’était hier, mais en même temps, l’impression que c’était il y a des milliers d’années. Je ne ressens pas le temps de la même manière que vous autres humains.
Je ne ressens pas la différence entre un seul instant et une éternité.
Mais je n’ai pas oublié à leur propos.
Parfois je pense que la chronique de leur vie est probablement la seule histoire qui vaille la peine d’être racontée.
Approche toi, maintenant.
Laisse moi te raconter une histoire.
L’histoire de deux jeunes garçons, et de No. 6.
NO.6 BEYOND
Inukashi’s Days
Le plafond paraissait tourner. C’était comme s'il tourbillonnait.
Hein ? Qu’est ce qu’il se passe ?
Inukashi s’effondra sur le lit, et ferma ses yeux. Il se sentait malade. En plus d’être étourdie, il se sentait aussi nauséeux. Il garda ses paupières closent en prenant plusieurs longues et profondes inspirations. Il inspirait par son nez, laissait l’air reposer dans son estomac, puis expirait lentement par sa bouche.
Une fois, deux fois, trois fois…
Toutes les pathologies, physique ou mentale, étaient habituellement guéries ainsi – que ce soit un cœur agité, des pensées en proie au désarroi, des blessures douloureuses, ou de vifs maux de tête. Personne ne le lui avait enseigné ; c’était une chose qu’il avait compris sans même le réaliser. Mais en ce qui concernait son estomac vide, rien ne pouvait y faire. Peu importe à quel point il inspirait profondément pour étendre son estomac, aussitôt qu’il expirait, celui-ci se dégonflait à nouveau. Il ne pouvait rien faire pour son corps, se refroidissant de faim.
Je hais la famine. C’est horrifiant. Inukashi se secoua. La faim était telle un démon. Avec ses crocs et griffes pointues, elle déracinait et volait toute volonté de survivre, tout espoir de vivre.
Mais maintenant, il se sentait mieux.
Bien sûr, il était encore affamé. Inukashi ne put se souvenir de la dernière fois qu’il avait sentit son estomac plein. Vide – c’était l’état courant d’un estomac. Telle était l’idée qu’il s’en faisait.
Il se releva avec précaution de son lit. Bien qu’il ne soit plus étourdie, ses nausées étaient encore présentes. Il se sentait lourd, comme si quelqu’un avait attaché des poids à ses poignets et chevilles. J’ai la sensation que quelqu’un m’a enchaîné à l’aide de boulets, comme les prisonniers de quelques pays.
C’est mauvais.
Il se rallongea une nouvelle fois, et claqua mentalement sa langue. Tomber malade dans le Bloc Ouest était pareil que de se trimballer la Mort à ses côtés. Ici, il y avait des shamans peu dignes de confiance, ou quelque auto-proclamés docteurs, mais personne qui ne soit capable de donner un traitement digne de ce nom. Ou en tout cas, pas à la connaissance d’Inukashi.
Son corps semblait lourd. Avec ses yeux fermé ainsi, il sentit comme s’il était attiré dans les profondeurs maritimes.
Dans ces moments là, je dois penser à des choses amusantes, se dit-il. Amusantes ? Ai-je déjà vécu quelque chose du genre ?
Oui. Hier soir, tu t’en souviens ? Tu fis libéré de la fin, juste un peu. Oui, tu vois, tu en as donc déjà vécu. C’était le bonheur ultime.
Il avait mangé de la viande. Il y avait eut un morceau de viande crue dans les charges de restes de nourriture en provenance du Centre de Correction. Ce n’était pas le reste de quelqu’un ; c’était un bloc de viande qui n’avait même pas été cuisiné. Sans pourriture ni bleuissement. D’après une close inspection, c’était particulièrement plat. Peut-être que le chef de la cuisine du Centre l’avait lâché au sol, où quelqu’un avait par la suite marché dessus.
« Oy ! Tu viens de ruiner un bon morceau de viande ! »
« Oh, désolé. Mais tu l’as fait tomber. »
« Bon, tant pis. On ne peut plus rien en faire maintenant. »
La viande avait été jetée dans une poubelle métallique et oubliée. Éventuellement, cela avait frayé son chemin jusque dans la main d’Inukashi, avec quelques autres restes de nourriture et ordures – voilà peut-être bien son voyage. Bref. Je me moque pas mal de comment était son voyage, ou de comment c’est arrivé jusqu’ici. Tout ce qui importe est le fait que je tiens un morceau de viande dans mes mains.
Quelle chance incroyable cela avait été.
Il en aurait presque littéralement dansé de joie. À quand cela remontait-il, la dernière fois qu’il avait été en possession d’une aussi bonne trouvaille ? Il fouilla encore et encore dans sa mémoire, mais rien ne lui vînt à l’esprit. Inukashi se lécha les babines en serrant le morceau de viande brillant de gras. Il déglutit, l’eau à la bouche.
Il n’avait aucune idée de quel genre de viande c’était, mais il s’en fichait – du moment qu’il ne s’agissait pas d’Homme ou de chien. Inukashi retourna dans son habitation tombante en ruine, et se précipita sans plus attendre à sa cuisine. Il sélectionna des légumes et des os parmi les restes de nourriture, les plaça dans un pot et laissa le tout mijoter. Juste avant que se fusse terminé, il divisa le gros morceau de viande en petits bouts et les mit dans le pot. Il avait considéré en conserver la moitié pour la vendre au marché, mais avait décidé autrement au final. Inukashi était bien conscient que de la nourriture non périmée était une précieuse marchandise ; il savait également que s’il ramenait cette viande au marché, cela lui rapporterait une somme d’argent considérable. Mais je pense que je vais tout consommer d’un coup. Je vais profiter de cette chance qui est venue à moi – chance que les cieux ont décidés de m’envoyer.
C’est le Bloc Ouest, où je ne peux pas même prédire que sera mon destin demain. Même Dieu ne peux garantir quoi que ce soit pour quiconque ici. Je ferai mieux de simplement apprécier ce présent sans penser à demain.
De la vapeur s’échappait du pot.
Une alléchante odeur s’éleva. Les chiens se rassemblèrent autour, attirés par cette dernière.
« Je sais, je sais. Vous en aurez aussi, ne vous inquiétez pas. »
Blanc, noir, taché, bronzé. Poils longs, poils courts. Oreilles tombantes, ou bien droites, ou même qu’une seule restante. Inukashi gardait vingt ou trente chiens avec lui, allant d’un aussi gros qu’un veau à un plus petit qu’un chat. Pour une raison méconnue, le nombre n’augmentait jamais. Des chiots naissaient chaque année, donc on pouvait en déduire qu’un nombre égal de chiens mourraient ou s’en allaient.
Une vieille chienne était décédée la veille. Elle était une bonne mère, ayant donné vie à bon nombre de chiots et ayant élevé près de la moitié d’entre eux avec succès. Je me souviens de ses fils et filles lécher tour à tour son corps froid, et inanimé.
Les chiens sont sincèrement loyaux. Ils sont chaleureux, et gentil. Ils ont le sens de la compassion. Ils ne trahissent jamais leur amis ou leur famille.
Ils sont bien plus décents et dignes de confiance que les créatures humaines.
« Bien plus effrayants que la faim, que la terre glacée, il y a les Hommes. »
Je me souviens que c’était ce que disait Papy. Inukashi secoua sa tête tandis qu’il remuait le contenu du pot avec une spatule en bois. Pourquoi fallait-il que je me souvienne de lui ? Ce n’est pas ça qui va calmer ma faim. Mais, non- Il secoua à nouveau sa tête, plus vivement.
Je me dois de me souvenir de lui au moins une ou deux fois par an. Je dois me souvenir de combien il m’était précieux. Je lui suis redevable, à ce vieil homme. Nous n’oublions pas les faveurs qui nous ont été faites ; c’est une autre vertu de nous autre, les chiens.
Je ne sais pas quel âge avait Papy, ou pourquoi il vivait dans ces ruines avec les chiens, ou encore d’où il venait, où il est allé. Je ne ressens pas le besoin de le savoir, et ne compte pas tenter de le découvrir. Mais je n’aurais jamais survécu sans lui. Je ressens le poids de ce qu’il a fait dans chaque recoins de mes os.
C’était l’hiver quand je l’ai rencontré.
Je me souviens du vent glacial et de la blancheur de la neige qui s’empilait en face de moi. Donc oui, ce devait être en hiver. Il y a plusieurs années de cela.
Il n’avait aucuns souvenirs de sa mère, ni de son père ; et pourtant, il pouvait se souvenir vivement du vent glacé et de la neige dansante. Il se rappelait de pas se rapprochant, de la sensation d’une langue de chien sur sa joue, la chaleur d’un torse humain ; même le sentiment de flotter un instant lorsqu’il se fit ramasser.
Quel âge avais je ? Étais je encore un bébé ? Probablement, huh, puisque je têtais encore au sein. Les bébés se souviennent en fait bien plus que ce que l’on ne pense…
C'était une personne âgée habitant dans les ruines de l'hôtel, et il avait accueilli et élevé Inukashi. Ou l'on pouvait aussi dire que le vieil homme l'avait recueilli, mais que c'était une chienne qui l'avait élevé.
Elle était jeune, et venait tout juste de donner naissance à une portée. Inukashi l'avait têté, et avait dormis niché contre son ventre avec ses autres chiots. Grâce à elle, il avait évité la famine. Il avait évité de mourir de froid. Il avait survécu.
Cet intelligent et doux chien était la seule et l'unique "mère" d'Inukashi.
"Tu es un enfant bien étrange... ou spécial, devrais-je dire." Le vieil homme avait déclaré ceci lorsque Inukashi avait suffisamment grandi pour être capable de marcher, et de se battre avec les autres chiens pour la nourriture. Le vieil homme avait parlé d'une voix chaleureuse, réfléchie et douce. Inukashi se souvenait bien de cela, aussi.
"speshal?"
"Cela signifie que tu es différent des autres. Jusqu'à présent, je n'avais encore jamais entendu parler, et encore moins envisager de voir un jour, un bébé qui pourrait grandir en se nourrissant de lait de chien. Quand je t'ai pris, pour être honnête, je pensais que tu ne tiendrais même pas trois jours. Mais je t'ai quand même pris avec moi, parce que je souhaitais au moins t'enterrer."
"inchinérer?"
"Cela signifie creuser la terre et t'y déposer. Quand tu allais mourir, je planifiais de te mettre au souterrain et d'ainsi t'offrir un enterrement. Je n'ai juste pas pu me convaincre de te laisser là, pourrir en plein air. Je ne voulais pas que tu subisses ce que subissent la plupart des bébés d'ici, qui se décomposent au milieu des rues, se font grignoter par des corbeaux, manger par des bêtes. Normalement, j'aurai dû... Oui, j'aurai dû simplement te laisser là. Passer et prétendre n'avoir rien vu. Cela n'aurait pas été différent de ce que j'ai toujours fait. Mais pourquoi en ai je décidé autrement... pourquoi ai je voulu t'enterrer?
"Pourquoi?"
"Je ne sais pas." Le vieil homme secoua doucement sa tête, deux fois. "Je ne sais vraiment pas. Je ne le comprend pas moi même. Pourquoi t'ai je ramassé et emmené chez moi? J'ai regardé plein de bébés, des douzaines, mourir. Pourquoi ai je choisi de te tendre la main? On dirait bien que je ne peux pas l'expliquer. C'est en partie ce que je voulais dire en te qualifiant d'étrange."
Inukashi frissonna. Il fit un léger bruit étouffé en sentant son corps se refroidir jusque dans le bout de ses doigts. Une sueur froide courra le long de son dos.
Il était effrayé. A ce moment là, il fit submergé par le besoin d'en rire. Il voulait lever la tête vers les cieux et laisser son rire réverbérer jusqu'au paradis.
Il était encore en vie grâce à de la chance proche d'une simple coïncidence. Sans l'impulsion du vieil homme, son corps, sa chair, ses os auraient été la proie de corbeaux et de bêtes. Quel miracle était ce, quelle chance ! Enfouie dans son cœur se trouvait une tempête de peur, de soulagement, accompagnée de l'envie impulsive de se fondre en un rire hystérique.
En ces temps là, Inukashi avait d'ors et déjà réalisé à quel point survivre tous les jours dans le Bloc Ouest était une tâche difficile. Il sentit que le future qui l'attendais serait pleins de troubles et de difficultés, bien plus que de monter mains nues une falaise abrupte.
Mais il voulait vivre. Il voulait vivre, survivre, et étirer les limites de sa vie, même juste pour une minute, pour une seconde. Pour cela, il se sentait capable de tout faire, peu importe combien c'était disgracieux, trompeur, ou honteux. C'était trop facile de mourir. Tout ce qui lui fallait, c'était une corde et un arbre avec de solides branches. Il pouvait aussi se jeter du haut d'une falaise. Ou, il pouvait aller crier dans le Centre de Correction - c'était une option, aussi. Les soldats lui tireraient dans la poitrine ou la tête sans aucune hésitation.
Il pouvait en finir en un instant quelque soit la méthode choisie. Il ne souffrirai pas longtemps. Ou en tout cas, c’est ce qu’il pensait. C’est pour cela qu’il savait que la mort était la solution de facilité. C’était aussi évident que le soleil brille dans le ciel.
Mais je ne veux pas. Inukashi serra ses petits poings. Je ne mourrai pas si facilement. Je ne choisirai pas la mort de moi-même. Je survivrai, à n’importe quel prix.
J’accepte ce challenge. J’affronterai le destin qui m’a abandonné dans une rue du Bloc Ouest ; je confronterai ce monde qui rend la survie une telle difficulté ; je vaincrai les personnes qui ont fait le monde ainsi- et je gagnerai. En fait, je suis actuellement en train de gagner, en étant vivant.
En tant qu’enfant, Inukashi ne savait pas comment bien parler. Il ne savait pas comment exprimer en mots la résolution de son cœur afin de la dire aux autres. Mais le vieil homme lui sourit néanmoins sereinement et plaça une main sur la tête d’Inukashi.
« J’ai le sentiment que tu en seras capable », il murmura.
Ce fit environ un an plus tard, à l’arrivée de l’hiver, que le vieil homme disparu. Son lit était déjà vide quand Inukashi se réveilla ce matin, et le vieil homme ne pouvait être trouvé nul part dans les ruines. Mais Inukashi ne s’était pas particulièrement lancé dans une recherche profonde, non plus. Quelque part dans son cœur il avait abandonné, sachant que ce n’était d’aucune utilité. Il était déconcerté, mais il ne se sentait pas seul. Ses chiens étaient avec lui. Du moment que les chiens étaient là, ça lui suffisait.
Papy savait probablement cela, aussi. Il le savait bien quand il a choisi de partir. A t’il sentit la fin de sa vie arriver, ou a t’il trouver une place où aller ? Peu importe laquelle de ces raisons c’était, il devait être quelque part maintenant, une partie de la terre. Les gens ne peuvent pas devenir des étoiles dans le ciel, mais ils peuvent toujours retourner à la terre. Ils peuvent laisser leurs mémoires derrière eux, aussi.
Merci, Papy. Je n’oublierai jamais tout ce que tu as fais pour moi. Une fois de temps en temps, je me rappellerai de toi et me remémorerai de quelques souvenirs. Mais tu sais, ton visage se floute avec le temps qui passe. Je peux encore me souvenir de quelques petites choses : ta barbe blanche déchiquetée ; Combien ton front dégarni était rose brillant ; Combien ton sourcil droit était inhabituellement épais; la douceur dans ta voix. Je me souviens de cela clairement, mais je n’arrive pas à me rappeler de ton visage. Je me demande pourquoi ? Mais, bon, voilà pour toi. Je me suis rappelé de toi aujourd’hui. C’est suffisant, n’est ce pas ?
Il remua une nouvelle fois le contenu du pot avec la spatule.
Un chien tâché aboya. Les autres chiens se mirent à en faire de même, aussi.
« Je sais, je sais. Bien, commençons ce festin. Rassemblez vous autour, les gars. Mais vous devez attendre jusqu’à que ça se soit refroidi avant de le manger. Vous passerez un dur moment après, si vous vous brûlez la langue.
Le temps qu’Inukashi finisse de répartir la soupe entre les chiens et commence à siroter sa propre portion de bouillon de viande, il avait déjà complètement oublié à propos du vieil homme.
Le passé était un obstacle. S’il continuait de regarder derrière lui, il ne serait plus capable d’avancer.
Inukashi mangea un morceau de viande et en savoura le goût, ainsi que la sensation dans sa bouche. Il se disait que c’était du gâchis que de l’avaler ; il voulait le déguster pour toujours. Mais les petits bouts glissent trop facilement dans la gorge, et finissent dans l’estomac facilement. Il finit son riche bouillon de viande, et sentit une douce chaleur dans ses os. Encore en la ressentant en lui, il alla s’étaler sur son lit. Les chiots s’entraidèrent pour escalader, et le léchouillèrent le visage. Leur petite langue rose était réconfortante.
Il était heureux. Il sentait même comme si il avait pris tout le bonheur du monde pour lui. Immergé de joie, il laissa le sommeil monter en lui.
Il se sentait nauséeux. Il avait peur que les tourbillonnements reprennent encore s’il rouvrait les yeux.
Qu’est ce qu’il m’arrive ?
Une partie de sa tête commença à le lancer violemment. Son corps semblait s’alourdir. Il fut prit de suées. C’était une inhabituelle fièvre, si différente de la chaleur de la nuit dernière.
Les langues des chiots ne le réconfortaient plus, non plus. Sa peau picotait d’irritation seulement. Il n’avait sentit le contact ses chiens comme irritant auparavant.
Peu importe combien de profondes inspirations il prenait, cela ne paraissait pas pouvoir améliorer sa condition.
C’est plus que sérieux.
Et si je ne peux pas me lever du tout ? Si je ne peux même plus bouger ?
C’était fatal de tomber malade dans le Bloc Ouest. Cela ne prenait pas grand-chose de tuer un habitant d’ici, privé de nourriture et dans des conditions sordides, comme il l’était. Juste une petite blessure était suffisante : une coupure profonde au petit doigt, une égratignure sur le pied. Venait ensuite une infection, une maladie : étourdissement, nausées, fièvre- tout pour vous clouer au lit. Quelqu’un qui était en vie trois jours auparavant peut être un corps au milieu de la rue aujourd’hui. Ce genre de chose arrive tous les jours.
M*rde.
Inukashi se mordit la lèvre, et souleva le haut de son corps. Il s’appuya contre le mur, et laissa sortir un long souffle.
Donc la viande de la veille était mon dernier dîner, huh. M*rde. Ce n’est pas amusant. Je ne vais pas laisser ça me faire passer dans l’autre monde.
Il resserra l’emprise de ses dents sur sa lèvre. Le goût de sang se répandit dans sa bouche. Il se murmura encore une fois « m*rde ». Mais aucune force ne lui vînt pour autant. C’était inquiétant rien que de lever un doigt. S’il se forçait à se lever, il était envahie d’étourdissement et de nausées. Il s’effondra à nouveau sur le lit.
Sa conscience commença à s’évanouir.
Un refroidissant courant d’air se faufila de part un trou de la fenêtre. Le froid ramena Inukashi à la réalité. Il voulait crier. Crier à l’aide, aussi fort qu’il le pouvait.
Quelqu’un, aidez moi… Quelqu’un, s’il vous plaît.
Un chien dans un coin de la pièce se réveilla, et s’approcha. Il s’assit au pied du lit, et regarda Inukashi. C’était un large chien marron, un descendant de la lignée de la mère d’Inukashi. Il avait hérité de son intelligence, et de ses yeux d’un noir profond.
Le chien était assis les oreilles redressées bien droites, comme s’il attendait pour les ordres d’Inukashi.
« ...J’aimerai que tu… les appelles pour moi... » Il pointa la fenêtre du doigt.
Derrière se trouvait un ciel hivernal, lourd de nuages de neige. La lumière se débattait pour passer au travers des nuages, et atteignait tout juste le sol en dessus. Une nouvelle fois, le Bloc Ouest allait terminer le jour aussi froidement qu’il n’avait commencé.
Le chien poussa grande ouverte la porte délabrée, et quitta la pièce. Ses gonds rouillés grincèrent déplaisamment. Inukashi était supposé être habitué à ce son, pourtant il heurta ses tympans et aggrava sa nausée.
« S’il te plaît. Appelle les... »
Aidez moi.
Les chiens se ruaient en bas des escaliers. Les chiots se blottissaient les uns aux autres et couinaient piteusement.
Il se mit à rêver. Rêver d’il y a longtemps. Combien d’années y a t’il de cela ?
Le vieil homme avait depuis longtemps disparu. Inukashi était seul- mais avec ses chiens.
Il avait finalement pris le coup pour se procurer des restes de nourriture. Pareillement, il avait appris à les cuisiner, ou bien à les vendre.
Il descendit les escaliers.
Il y avait des marches conduisant au sous sol, pas aussi endommagées que celles de l’habitation d’Inukashi. Le bâtiment était majoritairement en ruines au dessus du sol, mais il semblait que les parties en dessous était encore intactes. Une fois qu’Inukashi avait atteint le fond, il se trouva face à une porte. Il tendit prudemment sa main pour agripper la poignée.
Le bâtiment était situé près de l’entrée du Bloc Ouest. Les bois environnants était barricadés. Aussi proche, se dessinait la Ville Sacrée, No. 6. Pour être exact, c’était le mur extérieur de No. 6. Le mur extérieur était fait d’un alliage spécial, et brillait doré devant lui. Le mur exposait une claire division entre « ici » et « là-bas », enfer et paradis. Rien ne manquait à l’intérieur des murs : des lits chaleureux, de la nourriture abondante, des soins médicaux à disposition, des résidences confortables. Rien ne menaçait leur vie, et ils vivaient sans connaître la faim ou le froid.
Inukashi avait aussi entendu que la souffrance et la peur n’existait même pas, là-bas.
Une utopie, qui lui vaut son surnom de Ville Sacrée.
Inukashi n’avait pas beaucoup entendu parler de No. 6 dans le Bloc Ouest. Tout le monde reste silencieux, et refuse d’aborder le sujet comme si le nom était tabou.
Trafic louche à coup sûr, Inukashi avait pensé- ou plutôt, ressenti.
Utopies et Villes Sacrées n’existent tout simplement pas dans ce monde. No. 6 est une Ville État crée par des humains. Dès que les Hommes sont impliqués, quelque chose part de travers. Votre idéal ne correspond pas à ma définition de la perfection, et le bonheur, pour moi, n’est même pas quelque chose que vous pourriez supporter. C’est ça le monde humain, tiens. Les Hommes ne peuvent créer une utopie. Le mieux qu’ils puissent faire est de se disputer, se battre, commencer un peu à plier, pour finalement régler ça au beau milieu. C’est tout.
No. 6 ? Cette place est tellement louche, que la meilleure chose à faire est de ne pas s’en approcher.
C’est pourquoi Inukashi ne s’était jamais aventuré proche de cet endroit. Il haïssait avoir le mur de No. 6 dans son champ de vision. S’il avait eut une meilleure récolte ce jour là, il n’aurait jamais eu à s’en approcher. Mais un jour complet de recherche dans le Bloc Ouest ne lui avait donné qu’un ou deux légumes, et une bande de viande desséchée. C’était tout juste assez pour qu’il se nourrisse, mais bien insuffisant pour aussi nourrir les chiens. A ce moment là, Inukashi ne savait pas encore comment mettre la main sur des provisions périodiques ou les restes de nourriture. Son unique choix était de contrôler son estomac vide, et de chercher désespérément. Au marché, il avait entendu un battement sonore venant du boucher ; dans la taverne, la manager lui lançait des malédictions, mais il s'en éloigna imperturbable. Inukashi était depuis longtemps habitué aux abus, aux insultes, et à la douleur physique.
Je dois calmer cette faim.
Quand il arriva donc, il resta debout dans les bois ; c'était comme s'il avait marché jusqu'ici inconsciemment, avec l'intention de trouver ne serait ce qu'une noix. Et c'est alors qu'il trouva le bâtiment abandonné. Il plaça une main contre le mur, la faisant glisser pour découvrir les escaliers menant au sous sol.
Inukashi agita son nez. Il plissa ses yeux, et tendit ses oreilles.
Il ne sentait ni ne ressentait aucune présence.
Complètement abandonné, hein.
Il descendit prudemment chaque marche.
Inukashi savait qu'une étrange vieille femme et un garçon (son petit fils, il présumait) était supposés vivre ici. Il les avait vu deux fois auparavant. La vieille femme avait un regard sévère, comme si elle n'avait jamais sourit ne serait-ce qu'une fois dans sa vie.
Je sais, je sais. Je m'en souviens.
Quelque chose ne tournait pas rond dans la tête de cette vieille femme. Elle avait attaqué une personne importante de No. 6- le maire ou le président ou je ne sais qui. Et toute seule, en plus. Elle s'est ruée sur lui, couteau en main, et s'est fait descendre. Attendez- ou bien elle s'est fait arrêtée, puis tirer dessus? Peu importe lequel des deux, elle s'était faite descendre bien rapidement. Pas une grosse surprise, haha.
Inukashi en ricana mentalement. C'était cependant une rumeur qu'il avait entendu au marché. Il n'était pas sûr de sa véracité.
Son estomac gargouilla. Cela ressemblait à un appel au secours.
Je ne peux plus le supporter. Donnez moi de la nourriture. Vite, vite, vite, vite, vite.
M*rde, il n'y a rien ou quoi? De la viande moisie, pourrie, je m'en moque. Quelque chose pour faire taire mon estomac.
Il agrippa la poignée. La porte était ouverte. Un peu lourde, mais en poussant un peu, cela finissait par s'ouvrir sans trop de résistance.
"Oh !" Un son ne ressemblant pas tout à fait à un souffle ni à une paroles'échappa d'entre ses lèvres. "Qu'est ce que c'est qu'ce bordel?"
Il y avait des piles de livres aussi loin qu'il pouvait voir. Ils étaient ici et là, partout, empilés proprement ou reposant négligemment au sol. Le sol en lui même était presque indiscernable. La pièce semblait ne contenir rien d'autre que des livres.
Ce moment fut pour Inukashi sa première rencontre avec des livres. Il savait parler ; et aussi écrire, si ce n'était pas trop compliqué. Le vieil homme lui avait appris. Mais Inukashi n'avait aucunes connaissances en ce qui concernait les livres. Il n'en n'avait même jamais entendu le terme, ni ne savait que celui ci se referait à des feuilles de papier liées et imprimées de mots. Il n'avait aucune idée d'où commencer pour les comprendre. Il perçu instantanément que ce n'était pas de la nourriture. Juste pour être sûr, il pris un livre d'une pile près de la porte, et en croqua un bout. Il avait choisi celui là car la pomme mûre de la couverture sur fond blanc semblait délicieuse.
Horrible.
Inukashi essuya sa bouche du dos de sa main, et jeta le livre. Dur, sec, et définitivement pas quelque chose que je peux manger.
Il avança, donnant des coups de pied dans les livres qui se trouvaient sur son passage. On aurait dit qu'il n'y avait bel et bien que des livres, ici.
Tsk. Toutes ces recherches pour que dalle. Inukashi claqua sa langue et s'apprêtait à s'en aller quand son cœur ressentit un tremblement. Il venait de trouver autre chose que des livres.
C'était placé sur une étagère (remplie de livres)- Quelques volumes avaient été dégagés pour faire de la place. C'était une petite boîte d'argent, reposant sur une serviette.