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[NOVEL] NO.6 BEYOND - Ch 2 (a)

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NO.6 BEYOND

A song from the past

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Nezumi releva la tête, un sourcil légèrement arqué.

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"Hein? Qu'est-ce-que tu viens de dire, Shion?"

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"J'ai dis que j'aimerai y aller."

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Shion bu une petite gorgée de l'eau chaude dans sa tasse. Le peu de sucre mélangé dedans rendait le tout légèrement sucré. Le sucre était considéré comme luxueux dans le Bloc Ouest. Shion lui-même n'avait pas sucré son eau depuis longtemps.

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"J'ai dis que j'aimerai aller te voir sur scène."

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"Pourquoi?"

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"Parce que, mh... sans raison particulière. J'en ai juste envie."

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Nezumi rabaissa le visage, et ferma le livre qu'il lisait dans un claquement brusque.

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"C'est pas une réponse. Si tu cherches quelque chose pour passer le temps, considère une autre option."

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"Je n'ai pas tant que ça de temps libre. Je nettoie les chiens au moins deux fois par semaines, et j'ai promis de lire des contes à Kalan et aux autres enfants. J'ai également commencé à travailler à mi-temps pour Rikiga - je vais d'ailleurs bientôt devoir y aller, là."

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"Travail à mi-temps? Pour ce vieux? J'espère que ce n'est pas quelque chose d'aussi respectable que de photographier des femmes nues."

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"Non, je fais des petites courses, et d'autres tâches diverses. Des trucs comme trier les reçus, et nettoyer l'office. Rikiga gère en réalité un business large et varié. Je ne le savais pas."

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"Eh, je parie que ma souris réussira à se faire pousser des ailes et à voler avec avant que ce vieux ne commence un business décent. Hah ! Tu f'rais mieux de faire gaffe, Shion. Qui sait quand une femme viendra t'agresser au couteau comme c'est arrivé à Rikiga."

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"Je ne pense pas que cela m'arrivera", avança Shion, sceptique. "Rikiga rouspète depuis un moment qu'il est las des femmes."

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"C'est juste ce qu'il dit. Il adore les femmes. C'est ancré dans son sang. Il peut pas vivre sans elles. 'fin, si tu mettais l'alcool et les femmes dans une balance, il choisirait sûrement l'alcool, après une longue réflexion."

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"Tu ménages vraiment pas tes mots, hein?"

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"J'peux juste pas faire le gentil comme tu le fais."

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Nezumi se releva. Une petite créature marron sauta sur son épaule comme si elle avait attendu pile le moment. C'était Cravat, une souris que Shion avait nommé d'après la couleur de ses poils. 

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"Est-ce-que c'est mal d'une quelconque façon que d'être gentil avec tout le monde?" Les mots de Shion étaient plus perçants. Il sentit sa poitrine s'agiter. L'agitation lui donnait presque du mal à respirer. Ce sentiment n'était pas quelque chose qu'il aurait connu s'il était resté à No.6. Plusieurs émotions se tortillèrent en lui. Elles projetaient un motif après l'autre, tel un kaléidoscope.

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Depuis qu'il avait débuté sa vie dans le Bloc Ouest, Shion se surprenait à découvrir l'énergie et la turbulence de ses propres émotions. Son cœur semblait s'être défait de la couche qui le masquait. Son âme semblait revivre, comme arrachée à sa protection.

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Nezumi plaça le livre sur l'étagère, et prit sa cape.

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"Les mots doux ne font de mal à personne - mais ont-ils un sens?" Nezumi déposa le tissu sur ses épaules, et enfila ses gants. "Tout ce qui sort de ta bouche est gentil et chaleureux. Presque comme les gazouillis d'un oiseau ou la chorale d'insectes. C'est beau, mais ça n'a aucune valeur, et ne trouve sa place nul part - pas même en toi."

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"Nezumi-"

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"Shion, tu n'es pas gentil. Tu as juste peur d'être blessé. C'est pour ça que tu retires toutes les épines de tes mots. Sans aucun sens de responsabilités, tu balances des paroles plates. Admets le - j'ai raison."

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Shion ne pouvait pas le nier complètement. Il ne pouvait pas non plus se mettre en colère, ou protester, alors que Nezumi l'insultait. Les mots de Nezumi, eux, étaient emplis d'épines. Si Shion les touchaient inconsciemment, ils le transperceraient et feraient couler son sang. Comparé à cela, peut être bien que ses mots étaient chaleureux.

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Shion ne pensait pas que c'était mal que d'éviter sciemment de blesser les autres. Il ne pensait pas non plus que sa gentillesse était futile. Et il savait aussi que Nezumi ne critiquait pas cette gentillesse en soi. 

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Les mots doux qui ne blessaient personne, qui ne portaient pas le poids de leur conséquence, étaient monnaie courante au sein de No. 6. 

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Oh non, que c'est triste. Quelqu'un devrait faire quelque chose.

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C'est malchanceux. Je suis de tout cœur avec eux. 

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On fera tout notre possible, de tout notre cœur et de toute notre âme.

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Soyons amical envers autrui.

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Dans un tel environnement, il avait été inconsciemment détaché du poids et du sens de ses mots. Sauf qu'il n'y avait absolument aucune valeur dans la gentillesse et la prévenance hypocrites, ni dans les promesses et l'amour tout autant hypocrites. C'était juste repoussant. Shion l'avait déjà réalisé, même avant que Nezumi ne le pointe. Il le savait, mais il aurait voulu faire comme si il ne le savait pas. 

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Nezumi avait vu au fond du cœur de Shion, et s'était senti irrité de son humilité et de sa gentillesse artificielle, résultant en ces mots blessants. Shion savait qu'il méritait d'en être percé. Mais-

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"Je suis toujours sérieux quand c'est à toi que je parle."

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Nezumi se retourna vers lui.

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"Hm? Qu'est-ce-que tu as dis?"

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"Rien..." S'il réitérait sa réponse maintenant, cela allait peu-être irriter Nezumi d'autant plus. Sa langue lui parut lourde, et réticente à bouger.

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Je me tiens devant toi, et te parle avec sérieux. Ces mots étaient lourds- si lourds que Shion ne parvînt pas à les mettre à l'oral.

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Cravat, perché sur l'épaule de Nezumi, pépia.

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Chit-chit ! Cheep-cheep-cheep ! 

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"Oh, crotte. J'suis encore en retard." L'intonation de Nezumi était calme. Il n'y avais aucun signe de l'irritation précédente.

 

 "A toutes, Shion. Comme j'ai dis, fais gaffe quad tu bosses chez le vieux." Sur ce, Nezumi partit. Shion se retrouva tout seul- enfin, presque tout seul. Hamlet et Tsukiyo, les deux souris, étaient endormies sur ses jambes.

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Shion caressa leur tête de ses doigts, et prit une autre gorgée de son eau chaude sucrée. C'était délicieux. Il figura que l'expression << doux nectar >> devait se référer à un goût comme cela.

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Les jours que Shion avaient passé dans le Bloc Ouest avaient aiguisé ses sens rapidement, et sans qu'il n'en ai connaissance : sa vue, son ouïe, son odorat, son toucher et son goût. Auparavant lorsqu'il habitait à No. 6, il était habitué à manger plein de << délicieuse >> nourriture comme il le souhaitait, jusqu'à ce qu'il soit repus. Il en avait la possibilité. S'il le désirait, il pouvait mettre la main sur n'importe quels viandes, légumes, poissons, sucreries, ou fruits, sans limite. Lorsqu'il a ensuite vécu dans la Ville Perdue, ses choix en matière de nourriture se sont rétrécis, mais il ne se sentait que rarement privé.

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Les gâteaux et le pain sortant du four de sa mère étaient simples mais bons, et il n'en a jamais été lassé. Mais Shion sentit que même ce goût ne pénétrait pas son cœur autant que cette eau chaude. 

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Il vida sa tasse. La chaleur l'empli jusqu'au bout des doigts, et rempli son corps d'énergie. 

 

"Bien, maintenant il est aussi temps pour moi d'y aller."

 

 Méticuleusement, Shion déposa Hamlet et Tsukiyo sur le lit et se leva. 

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"Vous ne trouvez pas que, à ma façon, j'ai appris plein de choses depuis que je suis ici? Je peux même trier des reçus. Et il dit que je lave le sol et fais la vaisselle aussi bien qu'un homme d'ici à part entière. A part entière. J'ai bien le droit d'être un peu fier de moi-même, non?"

 

J'utilise mon propre corps, et mon propre cerveau, pour travailler et gagner des récompenses. J'ai le droit d'être fier, quel que soit le job, et aussi petit que soit le revenu. Non?"

 

Tsukiyo releva la tête, et bougea ses oreilles comme pour confirmer.

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Geez. Nezumi grinça ses molaires entre elles. Désespérant, se réprimanda-t-il intérieurement. Il ne parlait pas de Shion, mais de lui même. Cravat, de sous de la cape, gazouilla doucement.

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Skreet-skreet !  Cheep-cheep-cheep ! 

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"Tais-toi. Pas besoin de me le dire ; je le sais déjà, je n'ai fais que balancer mes frustrations à la gueule de Shion tout-à-l'heure. Je sais."

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Parfois - bien que c'était rare - les émotions de Nezumi devenaient instables en présence de Shion. Son self-control se détendait, et ses pensées défilaient de ses lèvres à l'état brute. Ils s'entrechoquaient, formaient des étincelles. Nezumi n'avait pas l'intention de critiquer Shion. Il savait qu'il n'était pas juste, ou fort, lui-même pour en avoir le droit. Mais il déviait quand il était avec lui. 

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Son cœur, qui souhaitait haïr et rejeter tout de No. 6, vacillait.

 

No. 6. La plus détestable des cités-états de ce monde. Ce n'était ni une utopie, ni une ville sainte. Ces noms n'étaient que des façades. Si l'on en arrachait le voile, le monstre dévoilait sa véritable figure.

 

Un monstre mangeur d'hommes.

 

 Qui n'a jamais hésité à détruire les états environnants et à massacrer des tribus entières si cela pouvait lui apporter prospérité. Il pillait, détruisait, dominait.

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Un jour, je la détruirai. Pour Nezumi, No. 6 était un ennemi qu'il se devait de descendre de ses propres mains, une existence qui devait disparaître de ce monde.

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Mais à l'intérieur de ce monstre grotesque vivait un garçon comme Shion. Shion avait laissé un intrus, un VC - le terme de No. 6 pour parler des << criminels violents >> - chez lui, l'avait soigné, offert de la nourriture, un endroit où dormir, et en résultat, avait perdu sa vie confortable d'élite. Shion avait tout perdu, et avait pourtant confessé à Nezumi :

 

Peu importe combien de fois je pourrai retourner à cette nuit, je ferai la même chose. J'ouvrirai la fenêtre et t'attendrai.

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C'étaient des mots honnêtes, qui avaient percé son cœur.  Pendant un instant, Nezumi n'avait pu que fixer Shion sans même cligner des yeux. Shion n'avait définitivement pas usé de mots ou de gentillesse superficiels, et Nezumi était persuadé que son entourage devait être comme lui.

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Sa mère nourrissait l'espoir incassable que son fils reviendrait, et pensait constamment à lui tandis qu'elle l'attendait. D'après la souris que Nezumi avait envoyé en messager, les muffins et les pains qu'elle faisait étaient si délicieux, que l'on en salivait d'anticipation. Et puis, il y avait cette fille et son amour inébranlable. 

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C'étaient les gens qui vivaient avec Shion - des gens qui faisaient de leur mieux pour vivre leur quotidien. Ils étaient francs, ne rabaissaient pas autrui, et vivaient sans perdre leur dignité. Ces gens là vivaient au sein du monstre.

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S'il n'avait pas rencontré Shion, jamais n'aurait-il imaginé cela. Il aurait continué de haïr chaque citoyen de No. 6, et de souhaiter la ruine à cette ville. 

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Sauf qu'il l'a rencontré.

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Et maintenant, il savait. 

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Est-ce-que je peux encore haïr même en sachant tout ça?

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Il vacillait. Il perdait sa maîtrise de soi. Il devenait indécis.

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Nezumi se stoppa, et se retourna. Les murs extérieurs de No. 6 reflétaient la lumière faiblissante lumière du crépuscule. Son éclat rouge lui fit penser à du feu. Il y a longtemps, longtemps, il avait vu cette couleur, et elle s'était gravée au fer rouge dans sa mémoire.  Ce n'était ni écarlate, ni bordeaux, ni rouge. C'était un mélange de tout cela - une couleur qui ne pouvait être décrite autrement que par << chaos >>. 

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Elle subsistait toujours dans la vision de Nezumi même après qu'il soit sorti des bois et dépassé la place du marché. Il ne pourrait probablement jamais l'oublier, pour le restant de ses jours.

 

 

 C'était en feu. Les maisons, les arbres, sa sœur nouveau-né, et sa mère qui la serrait. Tout était en feu. 

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"Cours !" cria sa mère au travers du feu. Ses magnifiques cheveux, sa peau, son corps, tout n'était plus qu'une masse de flammes. Son père avait recouvert le corps de sa mère du sien, frappant énergiquement dans les flammes, tentant de les éteindre. Un soldat de No. 6 pointa son lance-flamme dans leur direction.

 

Encore et toujours plus de feu en sortit.

 

Son père, sa mère, et sa petite sœur étaient avalés par les flammes, qui brûlaient haut et sauvagement. Nezumi était envahit d'un mélange de chaleur et de douleur alors qu'il fit poussé au sol.

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J'ai mal. C'est chaud. J'ai peur.

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Chaud, chaud, chaud, chaud, chaud...

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"Cours !" le cri de son père perça les flammes. "Cours ! Même si aucun de nous ne le peut, toi au moins-"

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Puis, tout s'effondrait. Nezumi avait tout vu, il était supposé avoir tout vu. Mais il ne se souvenait plus de rien - les choses dont il se souvenait, c'était la couleur des flammes enragées, le rugissement - le bruit des flammes était juste ça, un rugissement - et, le dos d'une vieille femme.

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Il était porté sur le dos d'une vieille femme alors qu'elle courait. Son dos était bossu, et même de son âge, Nezumi eut l'impression qu'il était vraiment petit. Mais robuste. Autant ses jambes que son dos.

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La vieille dame courut, au travers des flammes, transperçant le vent, semant les soldats de No. 6. Elle s'enfuit derrière des buissons, courant le long d'un chemin escarpé. 

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Nezumi vivait grâce à cette vieille femme. Il avait survécu.

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Dès que Nezumi eut guérit de ses brûlures suffisamment pour bouger, la vieille dame commença immédiatement à faire des préparations pour leur voyage. 

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"Nous devons nous éloigner du démon maintenant", murmura-t-elle comme pour elle-même. "Mais nous reviendrons. Nous reviendrons chercher revanche".

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Alors qu'ils erraient des hauteurs rocheuses aux terres d'en bas, qui seraient plus tard connues comme le Bloc Ouest, la femme parlait jour et nuit.

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Elle parla, encore et toujours, des derniers moments des Habitants de la Forêt, des actes inhumains qui seraient plus tard gravés dans la mémoire de certain comme le Massacre Mao. Ces histoires continuèrent même après qu'ils eurent élus refuge dans le Bloc Ouest, dans un sous-sol. Nezumi grandit entouré de livres, écoutant les histoires de cette dame. Il n'a jamais eu l'impression de manquer de quoi que ce soit. Mais la blessure dans son dos le lançait comme en réponse aux histoires qu'elle lui contait. La voix de sa mère, le cri de son père, résonnaient dans sa tête. C'était douloureux.

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"Cours !"

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"Même si aucun de nous ne le peut, toi au moins-"

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A chaque fois qu'il s'en rappelait, sa blessure le lançait d'autant plus. C'était comme si elle réagissait. La femme regardait toujours Nezumi en silence tandis qu'il  grinçait ses dents et endurait la douleur. Son regard était froid et sans émotions.

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Elle atteignait sa limite mentale. Sa propre haine, angoisse, son propre désespoir, menaçaient de la détruire. Elle résistait, dangereusement proche de céder à la tentation de la mort. Nezumi pouvait le ressentir avec son instinct, pas avec de la logique, la tornade d'émotions qui la tordait de l'intérieur. 

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Cette nuit, ils dormaient dehors sur une étendue de terre en friche, à la périphérie du Bloc Ouest. C'était quelques jours avant qu'ils ne décident de rester là de façon permanente. Comme d'habitude, ils allumèrent un feu de camp, et dormirent tout près de celui-ci. Dans les premiers jours, le corps entier de Nezumi se raidissait à la vue du feu. Cette couleur, ce rugissement, ces cris, perçaient son corps, et sa blessure le brûlait. 

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Mais en un an, sa peur se dissipa. 

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Le feu était essentiellement pour la chaleur et pour griller la viande. S'il continuait d'en avoir peur, il gèlerait à mort. Nezumi était parvenu à une conclusion. 

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Les humains sont ceux dont il faut avoir peur, pas le feu. 

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C'était leur routine que de surveiller le feu à tour de rôle, après quelques heures de sommeil. 

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"Tu peux dormir jusqu'à l'aube, lorsque le ciel commencera à s'éclairer. Ne te sens pas coupable. Nous autres personnes âgées n'avons pas besoin de beaucoup de sommeil."

 

C'était juste avant que Nezumi ne s'endorme. La femme avait montré un rare sourire tandis qu'elle ajoutait une branche pourrie au feu. Les flammes murmuraient gentiment. C'était plus proche d'un gazouillis d'un souris, que d'un rugissement.

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